Comment retourner les situations négatives, les mondes a l’envers qui exhibent l’injuste, le dégradant et l’inhumain ? On peut tenter de les mettre cul par-dessus tête, et d’inverser leur inversion.
A Grenoble, l’épicentre - à distinguer du centre-ville- est occupé par une décharge libre d’accès au public, la décharge Jacquard, où on peut apporter ses encombrants, ménager ou informatiques, comme en un cimetière des éléphants techno : lieu retiré, maudit, promis au déménagement prochain en périphérie, comme pour épargner aux urbains le spectacle de leur propre gâchis, de leur gaspillage, de leur prodigalité intempérante et de leurs merdes. Cette boue est-elle de l'or, peut on inverser la pente du déchet vers le rien et l’innommable, lui redonner sa dignité ?
On doit inverser le regard, fixer ce spectacle au lieu de s’en détourner, voir une richesse possible où on imagine trop vite la fin du cycle, la mort, la perte : les déchets ne sont pas perdus, ce ne sont pas des cadavres à bruler, à enterrer, ils ont un avenir. La métamorphose productive est cette inversion, ce retour au cycle vital : “rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme”.
En s’associant pour imaginer cet avenir des délaissés, un lien social vivant peut renaitre des ses cendres, dans ces lieux de stockage réhabités et réhabilités, transformés en ateliers ouverts à tous, jeunes et vieux, actifs ou inactifs : cet épicentre peut devenir le point de départ de cette vie urbaine à propager, à partager.
Habiter là, recycler le rebut, faire du lieu du mépris l’épicentre de la moderne Grenoble vivante, c’est le serment fait ici entre nous, signataires.